Figure #2 notes de travail
NOTES DE TRAVAIL USINE de TOURNEFEUILLE
Magali Milian et Romuald Luydlin – Mars 2023
Ce processus se conçoit dans un léger rapport de force entre des autorités spatiales, temporelles et formelles afin de convoquer, d'appeler des espaces de libertés. (Léger car ce rapport de force ne doit pas seulement opposer mais tramer, tresser de nouveaux espaces d'écriture). Ceux-ci pourraient être nommés ici comme de nouveaux paradigmes dans nos façons de fabriquer, de penser, d 'improviser, de voir… Déconstruire n'est pas détruire ni aller jusqu'au délabrement, c'est faire l'effort d'articuler chaque étape d'un possible déphasage et se saisir alors de chaque nouvelles compositions dites "intermédiaires". Se défaire avant la rupture, le relâchement, la défaite ou avant que cela ne stagne dans un système fermé ; c'est bien ici que cela se joue..
Alors, ne pas s'installer, implique de voir ce qui se remplace, se reformule nous donnant la possibilité d'ouvrir des temps, des agencements, des combinaisons, des tressages. Des jonctions qui se trament et des langages qui toujours "fonctionnent" car ils ne sont pas laborieux, ni chaotiques (même si le désordre peut être une structure) ils ont leur modalité, leur système propre.
Écrire le foisonnement, écrire avec le vide, écrire avec l 'évidence, avec l'accident. Pour cela nous cherchons des conditions, des procédés, des langages où différents plans coexistent. Le rapport au temps Le rapport au temps imposé par une pulse, un rythme à la fois autoritaire, binaire, et qui de la même façon peut détendre, assouplir, Le guitariste Marc Sens s 'empare de ce système avec lequel il ouvre, ferme, se donne des espaces temps avec lesquels nous sommes tous.tes en relation. D'autres motifs sonores plus verticaux, plus légers sont également convoqués, lancés, donnés, déposés par Valérie Leroux (régie et création sonore).Valérie et Marc, reliés dans une sorte de duo autonome sont appelés à se connecter au groupe de corps en jeu et /ou à un seul corps ou à une partie d’un corps / des focus créant de nouveaux moteurs.Les danseurs.es ont également un lien actif avec le temps, d'une part car iels sont équipé.es d 'instruments par moment et que par ailleurs iels cherchent comment rester dissocié.es des temps imposés ou proposés par la musique (de Valérie et Marc) attraper alors les contretemps, les attaques, les glissando, staccato, decrescendo ou ralentis.... Jouer avec les temps forts audibles ou inaudibles... Un rapport au temps que chacun.e cherche à désunir, à unir, à phraser / Sortir des logiques binaires et/ ou d'engrenages. Nous avons par ailleurs commencé à utiliser des outils afin de trouver de nouvelles jonctions entre les différents matériaux physiques, ce à partir de conjonctions :et /donc /puis/ pendant que/ tout à coup/ par ailleurs/ en même temps/ parce que/....cela opère dans ces relations temporelles entre les matières sonores et matériaux physiques en les organisant autrement. Enfin nous utilisons l 'élément top départ, tels que 1,2,3,4, des sons d 'appels à démarrer, des sifflements, des ordres vocaux, sonores, des accords donnés en directs par les danseurs, musicien, le ou la chorégraphe qui stimulent, relancent, convoquent, appellent des zones réflexes et dont les réponses attendues sont parfois déjouées. Le rapport à l 'espace Par une autorité spatiale utilisant les grands axes et schémas d 'une occupation/ repère de l'espace ; une organisation largement inscrite dans nos regards par la ligne, ronde, double ronde, v, tresse, spirale, segments, diagonale et de certaines figures de issus de la contredanse offrant des combinaisons de ces figures. Ces trajets sont inscrits sous nos pieds, un chemin quasi immuable avec lequel il nous faut travailler, mais ces figures spatiales peuvent être inversées, opposées, décalées, faites par un tout faisant tout à la suite, ou faite par unité en même temps. Elles peuvent être soumises à des attractions, des changements de temps, de direction, des déphasages créés par de nouvelles règles cachées offrant une multitude de jonctions entre les corps et/ou les parties des corps qui les habitent. A cela s'ajoute des outils qu'il nous faut encore muscler; d 'autres logiques avec lesquelles jouer, comme par exemple sortir de l 'espace « dit » de jeu et se trouver dans l 'espace « dit » à coté, en dehors. La logique de relâchement dans ces zones, est telle qu'il nous faut inventer des imaginaires forts face à ces inscriptions. De même, passer d'une figure à l 'autre, implique souvent les même dynamiques, les même façons de passer de d 'une chose à une autre. Il nous faut parfois lutter, bifurquer, contourner avec des moteurs imaginaires car cette fabrique est un chantier ouvert, à même de s'extraire des espaces fermés par un chemin vacant. Comprendre comment ce qui lâche se remplace par autre chose / le contraire du délabrement donc. Nous sentons que cela doit s 'articuler en faisant coexister des plans, des calques . Par exemple le plan les pieds qui tracent est dissocié de ce que je vois, le plan des yeux est alors différent de celui des pieds. Le rapport à la forme A partir d'un motif central jamais statique, un organisme central que nous nommons « la caravane » composée d'une jonction fortuite des corps ou et d' une partie des corps. Les caravanes sont à chaque fois une composition à la fois micro et macro, homogène et hétérogène. Elles ont toutes un langage et une organisation singulière « qui fonctionne », elles ne sont pas laborieuses, elles comprennent à l 'instant ce qui les composent et fonctionnent selon un principe qui échappe au regard du spectateur « le désordre peut être une structure). Ces caravanes laissent apparaître « un organisme myope » qui, venant d 'ailleurs et par fragments s'est approché au plus près de points de jonction, elles peuvent être alors un système qui danse, qui se défait en plusieurs fragments actifs, qui fonctionne par à coups, par cran, par vibration, qui se soulève, qui projette, qui tient en équilibre, dont le moteur « la tête » change, se déplace. De ce motif central lui même toujours en reformulation, nous y saisissons d 'autres motifs individuels, duals, et ou collectifs). Ceux ci naissent de chaque moment de jonction musical, formel, spatial, esthétique. Ils coexistent par une mémoire, par une racine, mais celles ci ne sont pas démonstratives ni littérales : -La racine et ou la mémoire peut être lointaine dans le temps et l 'espace -La mémoire n 'est pas toujours immédiate (je vois mais je ne montre pas et je re-convoque ailleurs, plus tard) Néanmoins voir et saisir simultanément crée des conditions d 'unisson très agréables, qui rangent, calment nos regards et activent ainsi les perspectives. Les motifs émergeants, sont aussi issus des matériaux identifiés lors d'improvisations sur les résidences ou les jours passés. Ce sont donc des autorités nouvelles, des écritures qui alors s 'imposent et à partir desquelles le travail nommé ci-dessus se met en place Une sorte de trame infinie ou les focus, les conditions d'interaction, principes, procédés, outils s 'appliquent sur tout et tout le temps ! Dé-construire ces autorités, en jouer, les dé-jouer, fait echo à une multitude de termes et préoccupations tels que dé-phaser, de-syncronisé, di-ssocié, dé-coloniser, de-antropocentrer mais celles ci ne visent jamais à défaire totalement mais s 'intercallent afin de re- esthetiser, re- formuler avant la ruine, avant que cela ne s'installe, stagne, ou se développe dans un système fermé. Ce sont des espaces intermédiaires avec des durées, des plans, des formes qui s 'agencent par un désir, un milieu naissant et non par un manque ou à partir d 'une rupture.